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à force d’aimer

travers ses paroles à la fois exaltées et résignées, fit pressentir à Horace qu’elle tombait sous l’empire de l’idée fixe, et que bientôt sa volonté serait mûre pour quelque irréparable action.

Parfois, en la quittant, il emportait l’impression si vive de cet état d’âme, qu’il était saisi d’une appréhension terrible, et trouvait un prétexte pour revenir presque aussitôt avenue de Royat, vers la calme et bourgeoise petite maison, qui, avec sa façade paisible et l’annonce des cours à sa grille fleurie, ne paraissait guère abriter pareille tragédie du cœur.

De temps à autre, aussi, la nuit, M. Fortier se réveillait en sursaut avec la pensée qu’Hélène peut-être expirait à cette heure même. Et alors il sentait son regret et son amour si forts, que le sacrifice de son orgueil, de sa liberté, lui apparaissait comme singulièrement moins difficile à accomplir.

Troublé dans ses travaux par de si impérieuses préoccupations, le professeur s’enfermait en vain dans sa chambre, devant ses livres. Des distractions qu’il n’avait jamais connues jusque-là entravaient sa pensée. Les documents qu’il collectionnait en dossiers, pour établir ensuite sur des bases scientifiques sa théorie sociale, ne s’augmentaient qu’avec lenteur. Le feu sacré ne l’animait plus. Il s’énerva.

Alors il voulut se soumettre à un spécial ré-