Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
à force d’aimer

à Hélène, le cœur de la jeune femme s’ouvrait comme un abîme où le philosophe ne pouvait descendre. Elle restait aussi incompréhensible pour lui que lui pour elle. Jamais l’intellectualité et la sentimentalité, ces deux sexes de l’âme, n’avaient mis plus de différence entre des êtres. La Nature, qui, entre les deux corps de l’homme et de la femme, a placé l’attraction sensuelle, semble ne s’être guère souciée d’unir par un lien quelconque leurs personnalités morales. Au contraire. Et la société, parachevant son œuvre, a élargi le gouffre intellectuel, tout en surexcitant la passion physique par le luxe, par l’art et par la littérature. Deux antagonistes, dont tous les intérêts, toutes les conceptions diffèrent, mais qui ne peuvent se passer l’un de l’autre, voilà les amants et les époux modernes.

Horace et Hélène se trouvaient aux extrémités les plus lointaines de ces séries divergentes.

Cependant, malgré l’étonnement irrité que causait au professeur la mélancolique obstination d’Hélène, malgré la secrète et cruelle jouissance qu’il éprouvait à lui faire expier une faute, — qui pourtant n’avait pas été commise contre lui, mais dont l’idée le torturait, — il dut commencer d’admettre, en frémissant de crainte, les prévisions de la doctoresse.

À un moment, tout dans l’attitude de Mlle Marinval, sur sa physionomie fiévreuse et pâle, à