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à force d’aimer

chement que l’ironie dont elle vibra. Par le froid cinglement qu’elle fit siffler sur le cœur d’Hélène, Horace lui-même semblait s’être volontairement atteint. On eût dit qu’il raillait son propre amour, ou sa propre souffrance, et cela était pire que tout.

À qui en voulait-il le plus ? À elle, de ne pas être ce qu’il avait cru ? Ou à lui-même de n’en pas prendre son parti, malgré la possibilité commode qu’il entrevoyait de faire d’Hélène sa maîtresse au lieu de l’épouser ? Cette alternative convenait mieux à son goût pour l’indépendance et au libre accomplissement de son œuvre sociale. Pourtant nul doute que sa raison, en ce moment, ne fût incapable de prévaloir contre la révolte de son amour blessé, désorienté, humilié, jaloux.

De ce qui se passait en lui, Hélène ne pouvait avoir qu’une idée absolument fausse. Elle était faite pour adorer cet homme en fervente et en esclave, mais non pas pour le comprendre. Sa nature sans complexité, toute d’impulsive tendresse, n’imaginait point les modifications qu’une volonté de fer sait imposer à l’expression naturelle des sentiments. De la physionomie d’Horace ou de ses paroles, elle déduisait directement son état d’âme. Comment aurait-elle eu la moindre idée de cette chimie psychologique suivant laquelle les explosifs des passions sont décomposés par une raison froide et savante en corro-