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à force d’aimer

— Hélas ! » répondit-elle, « c’est pourtant lui qui nous séparera peut-être pour toujours ! »

L’instant était venu. Elle arrêta M. Fortier pour lire dans ses yeux en lui disant :

— « Horace, jurez-moi que, quelle que soit votre décision après ce que je vous aurai appris, vous garderez un pur et doux souvenir du rêve de ce soir.

— Je vous le jure, Hélène. Mais ce rêve est une réalité que rien ne peut détruire.

— Non, » reprit-elle bravement et avec une grande dignité, « car vous avez parlé à une Hélène imaginaire. Je ne suis pas veuve, comme vous croyez. Je ne m’appelle pas madame, mais mademoiselle Marinval, et René n’a pas d’autre nom que le mien. »

Le choc fut rude, bien qu’à demi prévu, presque à demi espéré. Mais Horace pensait plutôt à un mari indigne, en fuite, en prison peut-être, qu’à un amant. Sa jalousie, à peine éveillée par le vague soupçon d’une fatalité dans la vie d’Hélène, mais d’une fatalité n’ayant rien à faire avec l’amour, bondit en lui comme une bête fauve, toutes griffes ouvertes, à l’idée que cette femme s’était donnée sans conditions à un autre homme. Ce fut une déchirure qui l’ensanglanta intérieurement. Il n’en put dompter la douleur que par l’espoir et la volonté de posséder de même celle contre laquelle il s’indignait maintenant en secret