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à force d’aimer

désir, un muet abîme s’élargissait entre eux.

Fortier mit un bras autour d’elle, l’attira tout contre lui :

— « M’aimez-vous ? Dites seulement que vous m’aimez. Je ne veux rien savoir d’autre. »

Sans force dans l’étreinte, et croyant que, par cette phrase, d’avance il acceptait tout, elle murmura :

— « Oh ! oui, je vous aime… »

Ce fut une minute d’extase, qu’elle abrégea par une tension suprême de sa volonté. Déjà sous ses lèvres, elle eut la force de se rejeter en arrière, de se dégager de ses bras.

— « Mais non, c’est impossible… Vous ne voudrez jamais !… Si vous saviez… Ah ! vous me mépriserez peut-être… »

Il protesta. Puis comme elle voulait s’expliquer tout de suite, il la fit taire.

— « Laissez-moi vous parler d’abord, chère Hélène. J’ai tant de choses à vous dire !… Je vous admire… je vous aime depuis si longtemps !… »

À pas lents et glissés, comme sur le mol tapis de nuées d’un paradis, tous deux marchèrent, ne sachant où ils allaient, mais, d’instinct, fuyant le centre de la ville ; longeant les avenues endormies dans un provincial silence, et même, bientôt, gagnant la campagne, la solitude, les ombres et les effluves complices.

Il lui disait la grâce, la douceur, la beauté qu’il