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à force d’aimer

Un instant après, ils se trouvaient côte à côte, silencieux, sous les arbres de la place d’Espagne, tous deux seuls dans la suavité de la nuit et de l’air chargé de souvenirs qui dort sur cette promenade mélancolique. Au-dessous d’eux, au pied du haut soubassement de pierre, la rue s’enfonçait, déserte. Ils auraient pu se croire sur le chemin de ronde d’une ville forte abandonnée. Des odeurs poudreuses et surannées flottaient. Mais là-bas, sur la dernière clarté du ciel, se profilait dans une pureté merveilleuse d’atmosphère le sombre feston des monts Dôme.

— « Hélène !… » dit le jeune homme en se tournant vers sa compagne.

Était-ce bien sa voix ? C’était si doux, un peu craintif, presque tremblé, ce petit nom qu’il prononçait pour la première fois. Et cela contrastait tellement avec les derniers accents de sa causerie, avec l’intonation d’une netteté de métal qu’elle avait encore dans l’oreille ! La pauvre amoureuse en défaillit. Elle s’attendait à une déclaration, à un discours, pendant lequel elle aurait préparé quelque ferme réponse. Et voilà que tout était dit, avec une intensité singulière de passion, en trois courtes syllabes…

Elle leva les yeux et rencontra ceux d’Horace. Leur flamme obscure la dévora tout entière. Jamais elle n’aurait cru tant l’aimer… Mais en même temps l’angoisse de son secret la suffoqua. Et de