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à force d’aimer

vu pris, il s’était résigné assez vite. C’était un accident qui modifierait l’organisation de sa vie, mais qui n’influerait pas sur sa vocation secrète. Tout au plus perdrait-il un peu de temps par les distractions que ce sentiment donnerait à sa pensée. Tant que la beauté, la grâce délicieusement triste, et le charme de loyauté, de douceur, qui l’avaient séduit chez Hélène, resteraient pour lui choses étrangères et convoitées, l’effervescence de son désir gênerait le fonctionnement de sa réflexion. Mais il épouserait cette charmante femme. La possession paisible lui rendrait toute sa liberté d’étude et de méditation.

Jusque-là, il avait repoussé la perspective du mariage. Toutefois, avec une compagne d’une âme si délicatement soumise et de tant de silencieuse raison, cette perspective ne l’effrayait plus.

La doctoresse, amie d’Hélène et de M. Fortier, se plaisait à les réunir. Elle n’avait pas de peine à constater qu’ils étaient heureux l’un près de l’autre. Avant eux-mêmes elle avait esquissé leur petit roman, et c’était avec un amour-propre d’auteur qu’elle tenait à le mener jusqu’au dénouement conjugal.

Un soir, ils venaient de dîner chez elle, dans sa maison de la place d’Espagne. Il faisait chaud. Les fenêtres s’ouvraient vers les montagnes. Derrière la chaîne des puys trapus, dominé par celui du Dôme, le ciel montrait de longues traînées san-