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à force d’aimer

dans la pureté, dans l’honneur, elle pouvait donc encore le voir venir à elle, et le pressentir en une série d’émotions aussi fraîches que jadis ? Jamais elle n’aurait cru savourer une seconde fois ces puériles ivresses, mêlées de puériles anxiétés, qui font d’une passion naissante un état si délicieusement poignant. Les menus incidents qui, jour après jour, lui certifiaient l’amour d’Horace, prenaient la proportion de grands bonheurs.

Enfin elle atteignit cette période incomparable où, entre deux êtres, l’inclination réciproque est si vive qu’il n’est pas besoin de paroles pour l’exprimer et qu’on ne peut plus que la diminuer en la précisant par des mots. Sans un aveu, Horace et Hélène s’étaient dit tout ce que peuvent dire le désir et la sympathie. Les leçons de René étaient maintenant, pour le maître et pour la mère, des rendez-vous d’âmes, de regards, de tremblantes intonations. Dans ces contacts immatériels de leurs personnes, ils trouvaient des joies qui ne pouvaient être surpassées, parce qu’en même temps que l’ivresse elles comportaient l’espoir. Et quelle valeur prenaient les plus fines vibrations de la chair et du cœur, quand, retourné à sa solitude, chacun les ressuscitait par le souvenir !