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à force d’aimer

pût l’arrêter, elle était hors de la chambre.

Mlle Marinval traversa la salle d’étude, pénétra dans la salle à manger. Sous la lampe, René dormait, la joue sur un bras replié, parmi les pièces du jeu de patience étalées sur la table.

Avant de l’éveiller, sa mère le contempla un instant. La résolution qui venait de surgir en elle vacilla. Il était si paisible, tout souriant de la douceur de ses songes, avec sa divine pureté d’enfance, ses traits de petit chérubin, et la grâce de son attitude abandonnée. Ses lèvres roses s’entr’ouvraient, écartées par un souffle égal. Sur la peau laiteuse et satinée de son front une buée de chaleur perlait. Et ses grands cils, sur sa joue, paraissaient d’une longueur invraisemblable.

Hélène posa ses bras autour de lui.

— « Mon petit René… mon amour… »

Il mit un instant à s’éveiller, balbutiant, parlant des bêtes du Jardin d’Acclimatation, avec lesquelles il avait sans doute en rêve quelque mystérieuse causerie. Puis il bâilla, se frotta les yeux et dit :

— « Ah ! c’est toi, petite tante. Le monsieur n’est donc plus là ?

— Si, mon chéri. Et il faut que tu viennes le voir. Mais réveille-toi bien d’abord… Écoute, René, tu as huit ans, tu es un homme, n’est-ce pas ?

— Oh ! oui, tante.