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à force d’aimer

volait dans les mêmes régions, et qu’elle était prête à tous les sacrifices.

À vingt ans, le sublime semble l’ordinaire de la vie.

— « Mon petit frère, ma petite sœur, » dit Huguette avec une grâce malicieuse, « je vous quitte à regret. Tâchez de me faire tout à l’heure une place dans vos pensées et dans vos confidences. »

Elle embrassa Germaine.

— « Tu me trouveras sous la véranda. Je vais faire ma lecture d’allemand avec Mlle Bjorklund. »

Quelques secondes après, René se tenait assis, à côté de Germaine, sur le banc de pierre circulaire, — ce banc un peu verdi par des végétations minuscules, et qu’enfermait la verdure épaisse des thuyas taillés en muraille. Coin de rêve et d’amour, où flottaient les ombres légères d’anciens aveux et de baisers défunts.

Les deux jeunes gens se contemplèrent un instant sans rien dire. Dans cet échange troublant de regards, les premières phrases graves que René avait préparées s’envolèrent. Les mots qui lui vinrent aux lèvres n’étaient pas de ceux qu’on articule tout haut, mais qu’on murmure. Il dit avec une voix basse et ardente :

— « Ô Germaine ! que vous êtes belle !…d’une beauté de mystère… Et cependant votre âme franche est dans vos yeux !… Vous êtes intelli-