Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.
312
à force d’aimer

dans un engourdissement où s’émoussaient les sensations et les pensées. Une tristesse profonde et vague lui noyait le cœur, tandis que son cerveau s’efforçait de se réjouir. Son côté lui faisait mal. Une cuisson atroce lui mettait mille aiguilles de feu dans la chair. Il avait soif. La fièvre commençait à battre dans ses artères. Il souhaitait presque d’être étendu sans connaissance, comme l’autre, pour ne plus se réveiller à la lumière trouble et sauvagement mélancolique de ce monde.

Une voix lui dit :

— « Mon cher enfant !… »

Et il sentit sur ses cheveux la pression d’une main mâle et tendre.

Il leva les yeux sur Horace, et ne s’étonna pas qu’il fût là.

Le directeur de l’Avenir social ne lui avait pourtant pas dit qu’il l’accompagnait à distance, pour attendre, dévasté d’inquiétude, dans une auberge voisine, que l’un des témoins vînt lui apprendre l’issue du combat.

Quand le pansement fut terminé, et René rhabillé tant bien que mal, le disciple et le maître montèrent dans la voiture qui devait les ramener à Paris.

Tout d’abord, Fortier, croyant Chanceuil mort, avait eu l’idée de ne pas laisser René rue Montaigne, mais de le cacher dans une retraite qu’il connaissait, pour le soustraire aux taquineries de