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à force d’aimer

mes conversations avec notre admirable institutrice, Mlle Bjorklund. Quand j’ai entendu votre théorie de la « force inconnue », de la Bonté triomphante, il m’a semblé voir s’ouvrir devant moi le chemin où j’aimerais marcher… »

Elle s’arrêta, décontenancée par ce qu’elle sentait lui monter aux lèvres plutôt que par ce qu’elle venait de dire. Et c’était adorable, la pudeur et l’embarras qui rosaient ce fier petit visage, qui faisaient hésiter cette petite âme résolue. L’admiration, un bonheur inouï, mirent des larmes dans les yeux de René. Alors, devant l’émotion de cet homme dont elle connaissait la dignité, la force d’âme, Germaine comprit qu’elle pouvait, qu’elle devait même lui montrer tout son cœur. La supériorité immense de sa position, au point de vue mondain, l’autorisait à se départir un peu de sa réserve féminine. D’ailleurs, chez cette hautaine jeune fille, l’orgueil se déplaçait : en ce moment elle mettait sa fierté dans son amour, et non plus dans la farouche pudeur de son sexe et de son inaccessible beauté.

Elle tendit donc la main à René, en répétant :

— « Oui, vous m’avez montré le chemin où j’aimerais marcher… »

Et elle ajouta :

— « Voulez-vous m’y servir de guide ? »

Le jeune homme se leva, s’inclina devant Germaine, posa un genou en terre, prononça des pa-