Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/301

Cette page a été validée par deux contributeurs.
297
à force d’aimer

Il cherchait vainement un bouton de timbre ou un marteau, et ne savait s’il devait donner un signe de sa présence, lorsque le battant s’écarta comme de lui-même. Il entra vivement, et on referma derrière lui.

Une sensation de caressante fraîcheur et d’ombre parfumée, la vue de ces deux jeunes filles ravissantes et tout émues, le transportèrent dans une autre existence.

Il se trouvait dans un coin de verdure et de mystère, un de ces asiles cachés par un labyrinthe d’arbrisseaux taillés en muraille, qui ont tant de charme dans les jardins du siècle dernier. Un banc circulaire s’enfonçait dans une niche de feuillage. Les trois jeunes gens s’y assirent. Huguette s’était placée au milieu, ayant René à sa droite et Germaine à sa gauche ; ceux-ci, par la courbe du siège, se faisaient presque face.

Ils ne parlèrent pas tout de suite, mais se contemplèrent en souriant. Nul mot ne leur venait aux lèvres. La même confusion délicieuse les oppressait. Ils goûtaient avec intensité la saveur de ce moment unique, la beauté des sentiments qu’ils éprouvaient et s’attribuaient réciproquement, l’âpre volupté de leur trouble et le romanesque de leur singulière aventure.

Enfin Huguette prononça d’une fine voix de cristal, qui se fêlait un peu :

— « René, puisque vous allez vous battre, nous