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à force d’aimer

adresse personnelle, pour que je lui envoie mes témoins ? »

Sans mot dire, l’homme griffonna les quelques mots sur une feuille marquée en tête du titre : L’Avenir social, et la tendit à Ludovic Chanceuil. Celui-ci tourna sur ses talons, d’un mouvement vif, qui fit onduler la jupe de sa longue redingote, puis il disparut, et la porte battit derrière lui.

— « Ah !… » fit René, qui respira très fort, avec une évidente allégresse.

Il regarda les trois témoins de la scène, comme s’il s’apercevait pour la première fois de leur existence, puis il ouvrit la bouche pour les prier de ne pas raconter l’affaire à M. Fortier jusqu’à ce que le duel ait eu lieu. Mais le côté enfantin de cette précaution le frappa avant qu’il eût prononcé une syllabe. Il ne voulut pas avoir l’air d’un enfant qui craint d’être grondé. Il se tut donc et rentra dans son cabinet.

La querelle entre Marinval et Chanceuil ayant eu trois témoins, trois versions en circulèrent. Celles du garçon de bureau et du compositeur d’imprimerie défrayèrent les conversations des sous-sols. Mais le récit du reporter parut en « écho » dans les journaux du soir. Des rédacteurs bien informés annoncèrent que M. Ludovic Chanceuil, ancien secrétaire de M. Vallery, et jadis étroitement mêlé à l’affaire du Tunnel, était allé demander raison à M. Fortier, au sujet de l’article