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à force d’aimer

de lever la main et de frapper cet homme au visage grandissait en lui, menaçait de l’emporter sur sa raison et sur sa volonté. Chanceuil vit une telle menace dans son silence et dans ses regards, que, malgré une dose suffisante de bravoure, il en fut secrètement impressionné.

— « On dirait que vous me cherchez querelle, monsieur ? » reprit-il.

Et il ajouta, avec un petit ricanement qui sonna faux :

— « Est-ce bien à moi que vous en voulez ? Nous ne nous sommes jamais vus… Et vous m’avez l’air assez égaré par la colère… ou autre chose… pour ne pas trop savoir à qui vous vous adressez.

— Si, » dit Marinval avec une froideur apparente plus redoutable que la violence, « je sais à qui je m’adresse. Vous vous appelez Ludovic Chanceuil. Vous avez été longtemps le secrétaire particulier » (il appuya sur le mot) « d’Édouard Vallery. Vous êtes maintenant le chef de cabinet du ministre de Percenay. Et de plus vous êtes… » (Il hésita, déterminé encore à se contenir. Mais, dans un éclair, il entrevit une interprétation possible à son attaque, et il ouvrit l’écluse à son furieux mépris) : « Vous êtes un misérable !…

— Insolent !… » cria Chanceuil, qui en même temps leva sa canne.

René saisit le jonc et le rabattit.

— « Oui… » poursuivit-il avec la hâte de