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à force d’aimer

quelle pourrait aspirer celui qu’elle épouserait, constituaient les appâts les plus capables d’inspirer une ténacité si féroce. Mais, après tout, l’abominable prétendant avait des sens. Huguette, par sa grâce délicieuse, en eût éveillé chez l’homme le plus froid. Et, dans ses rêves d’avenir, nul doute que ce Ludovic Chanceuil n’escomptât, par l’imagination, ses droits de futur mari. À cette idée, René bondissait comme un amant jaloux. Non pas qu’il éprouvât, pour celle en qui toujours il avait vu sa sœur, autre chose que la plus pure affection fraternelle, mais les circonstances mêlaient à cette affection quelque vivacité romanesque ; et, depuis son entretien avec cette sœur, la suavité découverte en elle affinait son sentiment, l’imprégnait de respect, d’ombrageuse délicatesse.

D’ailleurs, une haine montait en lui contre l’homme auquel il devait la révélation tragique des crimes de son père, et qui l’acculait au rôle, sinon de justicier, du moins d’assesseur consentant et presque d’aide-bourreau. Oui, ce serait un soulagement et une solution de tuer Chanceuil. Si cette mort ne sauvait pas Vallery, elle délivrerait Huguette. Elle empêcherait le sacrifice volontaire de la jeune fille.

Et pourquoi cette juste exécution d’un misérable ne suspendrait-elle pas le drame dont, à l’avance, Marinval frissonnait d’appréhension ? For-