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à force d’aimer

— « C’est ce qui vous trompe, Hélène. Aujourd’hui que ma fortune personnelle a triplé la dot de ma femme, et que vous ne pouvez plus m’accuser de prendre dans sa caisse pour vous venir en aide, je puis offrir à mon fils… je suis venu vous proposer… »

Il s’interloquait de nouveau, à ne lui voir aucun mouvement d’inconsciente joie, aucun frémissement des mains, nul éclair dans les yeux. Au scepticisme glaçant le regard d’Hélène, il pressentait qu’elle devinait un marché, qu’elle restait sur la défensive. Qu’était devenue la douceur ancienne de ces prunelles, où jadis il avait lu tant d’amour jeune et confiant ? Mais de quel prix la pauvre amoureuse d’autrefois avait acheté sa triste clairvoyance ! À quelle école d’angoisse elle avait appris à douter de cet homme, à ne plus croire qu’à sa sensualité et à son ambition !…

Laquelle de ces deux passions l’amenait chez elle ce soir ? Était-ce un réveil de ce désir, éloquent jadis comme l’amour même, et qui avait ébloui, grisé, entraîné la jeune fille, l’orpheline mal guidée qu’elle était alors, — de ce désir contre lequel, ensuite, elle avait dû lutter, après le mariage d’Édouard, d’une lutte que rendait atrocement, héroïquement douloureuse la secrète complicité de son propre cœur ? Il y avait sept ans que tout était fini entre eux. Hélène, maintenant, approchait de la trentaine, et elle ne redoutait