Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/238

Cette page a été validée par deux contributeurs.
234
à force d’aimer

Cette Bonté, le Deus ex machina de la pièce, s’incarnait en une figure délicieuse, la fille unique du chef d’usine. Tout enfant, elle avait joué le rôle de petite fée bienfaisante dans les taudis des journaliers. La dévotion de ces pauvres gens pour la petite créature qui les aimait, qui embrassait leurs enfants, qui intercédait pour eux auprès du maître, avait préservé celui-ci des haines et des revendications qui parfois bouleversaient l’industrie de ses concurrents. Quand la petite Germaine (car l’héroïne du drame s’appelait Germaine) avait fait sa première communion, elle avait habillé les fillettes des ouvriers qui la faisaient en même temps qu’elle d’une robe, d’un voile, d’une ceinture et de souliers blancs tout semblables à ceux qu’elle portait. Des traits de ce genre, gravés aux cœurs de ces humbles, les avaient rendus sourds aux propagandes anarchistes. Dans leur nombre on n’aurait compté ni un braillard ni un mécontent.

Et c’était là le premier miracle de la « force inconnue ».

Cependant, Germaine (la Germaine du drame) grandissait. Un changement survenait dans sa manière d’être. Les ouvriers la voyaient de moins en moins parmi eux. Et les spectateurs devinaient que l’amour était la cause de cette réserve inattendue. Germaine s’était éprise d’un fils du peuple, d’un jeune contre-maître, que son intelligence