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à force d’aimer

ces théories dangereuses ne seraient pas débitées devant le peuple, car rien n’était moins populaire que les représentations du Théâtre-Indépendant.

— « Oui, mais la pièce sera reproduite en feuilleton dans l’Avenir social.

— Le journal d’Horace Fortier ?…

— Bah ! est-ce que les ouvriers lisent l’Avenir social ? C’est beaucoup trop littéraire pour eux.

— Ils aiment mieux les injures du Père Peinard.

— Cet Horace Fortier, qu’est-ce que c’est au juste ? Un illuminé ou un roublard ?

— On assure qu’il est sincère. C’est un apôtre, une espèce de saint laïque.

— Tant pis ! Ces gens-là sont d’autant plus dangereux qu’ils sont honnêtes.

— Est-ce lui, l’auteur de La Force inconnue ?

— Non, c’est son disciple, le petit Marinval.

— Un garçon de talent. Est-ce que vous lisez ses articles, dites donc, Vallery ? »

Le financier, depuis qu’on parlait de la pièce du Théâtre-Indépendant, demeurait silencieux, très pâle. Nul, parmi ses invités, ne se doutait que l’auteur était son fils. Et que n’aurait-il pas donné pour croire que le jeune socialiste lui même ignorait ce fait ! Il se rappelait le petit garçon de huit ans, à qui Mlle Marinval avait dit, d’une voix dont l’intonation, après tant d’années,