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à force d’aimer

dain paternel en retrouvant l’enfant tant aimé dans ce grand garçon tout vibrant d’indignation masculine.

— « Je le retire, » dit-il. Puis, reprenant sa sévérité soucieuse : — « Mais qu’espères-tu, mon enfant ?

— Rien. J’aime, voilà tout. Que puis-je espérer ? Mlle Germaine de Percenay est la fille d’un de nos pires adversaires. En outre, elle est riche, et je suis pauvre. Bien plus, j’ai, comme certains moines autrefois, fait vœu de pauvreté. Ce que je posséderai jamais sera consacré à la propagande de la cause. Quant à Huguette Vallery, elle ne saura jamais qu’elle a un frère. Qui le lui dirait ? Ce n’est pas moi, et je vous en donne, maître, ma parole d’honneur. »

Horace Fortier se taisait, sentant le jeune homme sincère. Mais quel souvenir monta du passé dans cette âme secrète et puissante ? Quelle blessure cachée s’entr’ouvrit ? Il avança une main, qu’il posa sur l’épaule de René.

— « Alors, » dit-il avec un éclair d’émotion, « tu souffriras beaucoup ! »

René eut un sourire confiant. Il secoua la tête.

— « Mais non !… C’est bon d’aimer, même sans espoir. Vous devez le savoir, maître… Vous qui marchez seul à travers la vie, vous que j’ai toujours connu seul, sans autre affection que mon affection d’enfant, vous avez dû jadis concevoir