Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/191

Cette page a été validée par deux contributeurs.
187
à force d’aimer

car je vois ce qu’est l’homme. Pourtant je n’ai pas juré autre chose à ma mère.

— Que veux-tu dire ? »

René regarda longuement son maître et ne répondit pas.

— « Parle, » insista Horace, qui paraissait se troubler à son tour.

— « Je n’ai pas juré de me faire le justicier de celui auquel, après tout, je dois la vie ; je n’ai pas juré d’embrasser contre lui votre haine inexplicable. »

Le socialiste fit un mouvement.

— « Ah ! pardonnez-moi, maître. Si vous craignez que l’amour ne me détourne, moi j’ai déjà craint que la haine ne vous entraînât. Vous, dont la propagande, si pacifique et si haute, se refuse à exploiter les basses rancunes populaires, à surexciter l’animosité, l’envie, vous semblez pourtant parfois désigner à mots couverts certains otages que vous livreriez volontiers aux bêtes, c’est-à-dire aux passions féroces que votre influence contient à grand’peine. Et n’ai-je pas remarqué avec quel acharnement vous vous efforcez de retrouver les causes de certaines mystérieuses catastrophes financières… celle du Tunnel sous la Manche, par exemple ?

— Ces catastrophes, si souvent voulues, ne comptent-elles pas parmi les pires crimes sociaux de notre époque ? Ne font-elles pas partie des