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à force d’aimer

Il se reprit avec un sourire un peu amer et peut-être un peu attendri :

— « Excepté au parc Monceau, quand elle avait quatre ans et que j’en avais huit.

— C’est donc elle ?… » dit Horace presque à voix basse.

Il semblait répondre plus à sa propre pensée et à celle du jeune homme qu’aux vaines paroles prononcées par celui-ci.

Le regard profond qu’il posa sur son élève amena une nouvelle rougeur sur les joues de René.

— « Tu me diras, » reprit-il avec une grande tristesse et un calme presque solennel, « que c’était inévitable. Elle est la sœur, par l’affection, l’éducation commune, de celle qui est ta sœur par le sang. Elle vit de sa vie, elle l’embrasse et la tutoie. Tu les vois ensemble, et le bruit de leur babil et de leurs rires monte parfois jusqu’à tes oreilles. Tu as transporté sur Germaine de Percenay le trop-plein passionné de cette fraternelle affection romanesque, dont ton cœur, dès ton enfance, a débordé pour Huguette Vallery. Peu t’importe que ces jeunes filles ignorent ton existence, et que tu sois moins pour elles qu’un de leurs chevaux ou un de leurs chiens. Elles sont tout, pour toi, n’est-ce pas ?

— Tout, mon cher maître ?… Oh ! non… Je vous appartiens trop pour me donner entièrement à quelque autre créature humaine. N’avez-vous pas