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à force d’aimer

au fond ce jardin, on pût apercevoir les personnes qui s’y promenaient, M. Vallery avait fait surélever le mur par un immense treillage contre lequel du lierre se déployait comme un rideau. En été, d’ailleurs, les feuillages formaient presque partout des obstacles impénétrables aux regards des voisins. Mais, dans l’après-midi de mars 1892, où commence la seconde partie de cette histoire, c’est à peine si, vers l’extrémité des branches noires, se gonflaient de frileux bourgeons ; le lierre amaigri du treillage se déchiquetait par places comme une tenture en lambeaux. Si bien qu’un jeune homme, assis à une croisée, dans un appartement de la rue Montaigne, voyait distinctement deux jeunes filles se promener à pas lents et les bras enlacés dans les allées du petit parc.

La chambre où se trouvait ce jeune homme était celle d’un étudiant qui travaille dans sa famille. La masse de livres, de journaux, de papiers, qu’on remarquait sur des rayons, sur la table-bureau et jusque sur les chaises et le parquet, témoignait de l’avidité cérébrale d’une tête de vingt-quatre ans dont l’élasticité ne s’effraie d’aucune indigestion intellectuelle. En même temps, certaines coquetteries et certaines intimités de l’ameublement : des bibelots dispersés sur la cheminée et accrochés partout aux murs, — bibelots dont quelques-uns devaient remonter à l’enfance du locataire, — de jolies portières orientales fer-