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à force d’aimer

quiétants à propos du Tunnel sous la Manche se mirent à circuler. On parlait d’un fond de sable, dans lequel, au fur et à mesure, les constructions se détruisaient. Le poids des eaux effondrait les parois trop peu résistantes. Même, affirma-t-on bientôt, des hommes avaient péri, toute une équipe dont on cachait autant que possible le sinistre engloutissement. Une partie du matériel était détruite. Les ingénieurs commençaient à perdre la tête, et parlaient d’abandonner le Tunnel pour se rallier à un autre projet, celui d’un tube métallique posé à même le lit de la Manche.

Ce fut bien vite, en France, la préoccupation dominante. Toutes les économies des classes travailleuses étaient placées en obligations à lots du Tunnel. Des milliers d’humbles cœurs se serrèrent d’inquiétude. Il y eut une interpellation à la Chambre, et le Gouvernement ordonna une enquête. Aux bureaux de la Compagnie, malgré l’importunité des reporters, les administrateurs restaient invisibles ou muets.

Maurice de Percenay était alors sous-secrétaire d’État. Ce fut lui qui reçut le rapport des ingénieurs-experts et qui le communiqua à son chef. Malgré quelques expressions dubitatives, ce rapport était favorable. Il concluait à la continuation des travaux. De Percenay lui-même, remplaçant le ministre indisposé, — peut-être volontairement, — lut à la tribune les passages les plus rassurants.