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à force d’aimer

de son amie, elle paraissait plongée dans un simple évanouissement. Le jeune homme s’y trompa. Tout haut, à deux reprises, il dit :

— « Hélène !… »

Mais, tout à coup, il vit tomber de la tempe inclinée une lourde goutte de sang, et ses yeux, suivant cette chute, aperçurent, parmi les claires fleurs du tapis, un cercle rougeâtre, sinistre…

En même temps, il sentit une main sur son bras. Se retournant, il se trouva face à face avec la doctoresse. La pitié qu’il lut, à travers des larmes, dans ce regard d’amie, l’éclaira.

Elle n’eut pas le courage de lui dire : « Pourquoi l’avez-vous tuée ? » Femme de réflexion et d’étude, familière aux misères humaines, elle connaissait l’horrible fatalité des malentendus, l’incompréhension réciproque des âmes ; elle savait que, lorsque nos sentiments deviennent meurtriers pour les autres, c’est le plus souvent après nous avoir dévastés nous-mêmes. De quel droit aurait-elle, par ses questions ou ses reproches, augmenté le tourment de cet homme, qui, visiblement, souffrait autant qu’on peut souffrir ?

Elle-même oublia, durant quelques minutes, le deuil de sa propre amitié, dans le saisissement que lui causa la douleur d’Horace. Pourtant il ne la témoignait pas, cette douleur, avec la dérivative expansion, qui généralement soulage. Il gardait encore l’altière domination de ses mou-