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à force d’aimer

vingt-quatre heures dans la chaumière de cette paysanne. Il y retrouvait son frère de lait, un gamin en sabots, qui lui montrait à traire les chèvres et à brider l’âne. On buvait du lait, on faisait cuire des pommes de terre sous la cendre ; et, le soir, le père nourricier contait, sur le pas de la porte, en fumant sa pipe, des histoires extraordinaires.

Cette perspective eut le pouvoir d’effacer l’impression de tristesse que René sentait confusément autour de lui. Le long du chemin, des occupations importantes, comme la recherche des myrtilles ou la poursuite des papillons, l’empêchèrent de remarquer la mélancolie croissante de sa mère. Toutefois, lorsqu’elle lui dit adieu, chez la nourrice, elle l’étreignit avec une ardeur si convulsive que, de nouveau, il s’inquiéta.

— « Tu vas t’ennuyer, jusqu’à demain, toute seule, petite mère. Laisse-moi revenir avec toi.

— Non, non, je ne m’ennuierai pas du tout. Mais toi, ne m’oublie pas, mon fils chéri, ne m’oublie jamais. »

Il la regardait, les yeux agrandis, repris de frayeur. Alors Hélène sourit, secoua la tête avec une apparente gaieté.

— « Bah ! crois-tu que je ne vais pas rentrer bien tranquille sans mon petit diable ?… Embrasse-moi encore… Là… Et maintenant tu vas