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à force d’aimer

— « Comment appelles-tu la… enfin la personne qui t’élève ?

— C’est ma tante… Elle demeure tout près. Laissez-moi la rejoindre ! Qu’est-ce que je vous ai fait, madame ? Je ne sais pas, je vous assure !

— Je vais te laisser partir, » dit-elle. « Mais si elle t’envoie encore rôder autour de ma petite Huguette, ta… oui… ta tante !… eh bien, elle aura affaire à moi !… Je lui enverrai le commissaire de police, tu entends. Oui… parce que ça, c’est du chantage ! »

René ne comprit ni le mot ni l’absurdité de l’imputation et de la menace. Mais l’idée de la police ayant quelque chose à faire avec sa douce petite tante chérie, le révolta.

— « Ma tante est bonne… Ce n’est pas elle qui m’a envoyé vers Huguette, d’abord ! Et puis nous n’avons pas peur du commissaire de police. »

Il s’enhardissait, car cette méchante dame ne le tenait plus si fort, et ne paraissait pas disposée à l’emmener pour tout de bon ni à le battre. Mais, quand elle l’eut enfin lâché, ce fut l’humiliation subie qui le désola le plus. Il partit comme une flèche, le cœur gonflé, retenant ses sanglots, avec un élan de tout son petit être vers la tendre poitrine contre laquelle, dans un instant, il pourrait pleurer à son aise.

De l’autre côté du boulevard, dans une maison modeste, devant une porte de rez-de-chaussée, il