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à force d’aimer

— « Monsieur, vous commettez une infamie. Je ne vous connais pas… Sortez de cette maison ! »

Il devint blême et balbutia :

— « Qu’ai-je fait ? Vous étiez libre… Je le savais… Je suis venu vous demander… »

Elle répéta, sans violence, mais avec la plus implacable intonation :

— « Sortez ! »

René se jeta contre elle en sanglotant :

— « Maman… Je t’en prie, maman ! écoute-le… Il vient peut-être nous chercher pour aller voir ma petite sœur… »

Édouard eut un sursaut de surprise. Il considéra cet enfant — le sien — plaidant pour lui au nom de l’autre, de la fillette adorée, qui détenait toute la paternité de son cœur. Toutefois nul attendrissement ne le remua. Ce n’était pas pour René qu’il était venu, mais pour Hélène. Cette belle jeune femme indignée était la seule créature qui le préoccupât en ce moment. Dans le désarroi moral où sombrait sa volonté hardie d’aventurier moderne, après la fuite de sa femme, et devant l’imminence d’un divorce qui détruirait sa situation financière, un désir obsédant, presque maladif, l’avait saisi de goûter encore, fût-ce avec le mélange amer des récriminations, la seule tendresse vraie qu’il eût connue. Son égoïsme endolori le ramenait là, vers ce cœur qui devait l’aimer