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à force d’aimer

Horace rencontra son regard, et devina qui avait sonné. Tous deux restèrent immobiles, les yeux dans les yeux, aussi pâles l’un que l’autre. Puis, d’un geste imperceptible, mais qui parut effrayant à Hélène, la main du jeune homme se crispa sur la canne qu’il avait reprise en quittant le bosquet. Il fit un pas. Elle s’élança entre lui et la porte intérieure.

— « Restez… ah ! restez !… » supplia-t-elle.

Il ricana.

— « Que craignez-vous ?… Est-ce que j’ai le droit de jeter cet homme dehors ?… »

Rien qu’à son intonation, elle crut sentir qu’elle lui devenait momentanément odieuse. Quelques secondes s’écoulèrent, que l’intolérable situation rendit démesurées. Pourquoi la domestique, après avoir éconduit le visiteur, ne revenait-elle pas ?

La porte s’ouvrit. Ce fut René qui entra. Il tenait à la main une carte.

Dans l’acuité de sensation qui les rendait plus accessibles aux moindres significations des choses, Horace et Hélène remarquèrent la physionomie étrange de l’enfant. Il avait un air grave et ému, très au-dessus de son âge, et comme une espèce d’autorité dans le regard, dont sa mère se troubla. Il marcha droit vers elle, et, lui tendant la carte avec une puérile solennité :

— « Regarde… » dit-il. « Est-ce vrai que tu ne veux pas le recevoir ? »