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à force d’aimer

d’un commun accord, ils laissèrent retomber dans le gouffre de l’irréparable les souvenirs qui les divisaient. Pourtant, avant qu’ils rentrassent à Clermont, Horace obtint d’Hélène une promesse. Il mit à la solliciter des délicatesses de langage que la cruauté voulue de sa franchise ne comportait pas d’habitude. Il sut parler du passé en termes qui ne la révoltaient pas. Elle écouta, réfléchit à peine, et, d’un mot, engagea l’avenir. Si jamais le père de René voulait reconnaître son enfant, elle jura de n’y pas consentir, de nier cette paternité, même sous serment. Sans peser la valeur morale d’une telle résolution, elle la prit avec une espèce d’enthousiasme. N’était-elle pas trop heureuse de reconnaître par une telle obéissance la générosité que montrait Horace en l’épousant ? trop heureuse aussi de bannir de leur existence l’homme qu’elle détestait maintenant jusqu’à la mort ?

Il était une façon plus sûre d’anéantir le passé dans la mesure des puissances humaines. Horace n’avait qu’à faire de René son fils. Il pouvait lui donner son nom en même temps qu’à la mère. Mais, à cela, il ne consentirait jamais. Sans comprendre l’intransigeance de ce caractère hautain, par son intuition de femme seulement, Hélène sentait bien que c’était là le plus irréalisable des rêves qu’elle avait jadis conçus.