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à force d’aimer

Elle eut un léger rire énigmatique.

— « À en faire un bouquet.

— Pourquoi votre fils n’est-il pas avec vous ?

— Parce que je l’ai conduit et laissé près de sa nourrice, une paysanne de Fontanat. Il aime à passer chez elle une journée de temps à autre. En revenant, j’ai traversé cet endroit sauvage précisément parce qu’on y trouve les plus belles digitales des environs. »

Il ne crut pas qu’elle les eût cueillies sans arrière-pensée. Et, de fait, quoiqu’elle eût répondu franchement, n’avait-elle pas subi, en touchant ces belles fleurs vénéneuses, un peu de cette attirance, où de plus en plus elle s’abandonnait, vers la mort ?

Horace la prit par la main, la fit asseoir sur une roche moussue, lui ôta des bras la gerbe de digitales, qu’il jeta à ses pieds. Et cela fit devant eux un tapis de pourpre claire.

— « Hélène, j’ai réfléchi… Oui, puisque vous y tenez absolument… bien que je trouve tout cela peu raisonnable… nous nous marierons… quand vous voudrez. »

Cette âpre nature ne pouvait pas ajouter au don ce qui en double le prix, la divine grâce qui fait en apparence du donateur l’obligé de celui qu’il comble de joie.

Hélène, blessée autant que charmée, répondit :

— « Ô mon ami ! je n’y consens pas si vous devez plus tard en souffrir.