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tations. Finalement, la confession s’acheva. La belle pénitente courba son front pâle, le pasteur traça en l’air le signe du salut, le tabouret fut repoussé, le rideau vert se souleva, et Zulma sortit pour reprendre la place qu’elle venait de quitter. Inutile de décrire de nouveau son apparence. Longfellow, parlant d’Évangéline, l’a dit dans une ligne qui résume la plus belle description :

« Serenely she walked with God’s benediction upon her. »

Une heure se passa, durant laquelle Zulma resta à genoux, immobile, absorbée dans la prière, et les autres personnes, imitant son exemple, visitèrent tour à tour le confessionnal. Enfin, le prêtre, après s’être assuré qu’il n’y avait plus de pénitents à confesser, se leva de son siège, ouvrit la petite porte et s’avança dans la nef. En passant près de Zulma, il la toucha légèrement à l’épaule en lui faisant signe de le suivre, ce qu’elle fit aussitôt et tous deux entrèrent sans bruit dans la sacristie. Là, le prêtre, après s’être dépouillé de son surplis, se tourna vers la jeune fille et, de la manière la plus délicate, s’informa de sa santé et de celle de son père. Il lui témoigna ensuite le plaisir qu’elle lui causait, en faisant ainsi ponctuellement ses dévotions, en dépit du temps extrêmement inclément.

« C’est une grande fête, mais elle n’apportera aucune joie cette année, dit-il. »

Zulma, dont les traits conservaient leur pâleur et une expression de gravité extrême, répondit qu’en effet les temps étaient tristes, mais que, néanmoins, elle espérait jouir d’un tranquille jour de l’an avec son père et ses plus proches voisins, ayant fait tous les préparatifs nécessaires à cet effet.

— Vous n’avez donc pas appris la nouvelle, ma fille ? dit le prêtre.

— Quelle nouvelle, monsieur ?

— Celle des terribles événements arrivés la nuit dernière, pendant que nous dormions.

Zulma leva les yeux avec un mouvement de profonde anxiété et demanda :

— Qu’est-il arrivé, monsieur ?

— On a livré deux grandes batailles.

— Est-il possible !

— Beaucoup de tués, de blessés et de prisonniers.

— Qui ? Où ? Comment ? s’écria Zulma avec la plus grande émotion.

— Québec a été attaqué en deux endroits.