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m’apprit-elle, que Grouchenka avait disparu ; dix jours auparavant elle était partie en calèche avec le prince et depuis lors on ne l’avait pas revue. Je questionnai les cochers qui les avaient conduits, mais je n’en fus pas plus avancé. Ils me dirent seulement qu’arrivé à un relais, le prince avait renvoyé son équipage et pris des chevaux de louage pour continuer sa route avec Grouchka. J’avais beau me tourner de tous les côtés, je ne découvrais rien. Au surplus, la vérité était-elle si difficile à deviner ? Sans doute, le misérable l’avait poignardée ou tuée d’un coup de pistolet ; ensuite il s’était débarrassé du cadavre en le jetant dans un bois, il l’avait enseveli au fond d’un fossé sous un amas de feuilles sèches, peut-être l’avait-il noyé… Le caractère passionné du prince n’autorisait que trop ces conjectures ; elle était un obstacle à son mariage, car Eugénie Séménovna avait dit vrai : Grouchka l’aimait, le scélérat, avec toute l’ardeur de son tempérament tsigane et il n’était pas dans sa nature de se résigner à l’abandon, comme