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de rancune, je veux vous faire deux présents : le premier est ce gobelet ; il est fait d’un seul diamant, mais ce n’est pas là ce qui le rend précieux. Toutes les fois que vous serez tenté de vous mettre en colère, emplissez ce verre d’eau ; buvez-le en trois fois, et vous sentirez la passion se calmer pour faire place à la raison. Si vous profitez de ce premier présent, vous vous rendrez digne du second. Je sais que vous aimez la princesse blanche. Elle vous trouve fort aimable ; mais elle craint vos emportements, et ne vous épousera qu’à la condition que vous ferez usage du gobelet. »

Violent, fort surpris que la fée connut si bien ses défauts et ses inclinations, avoua qu’en effet il se croirait fort heureux d’épouser Blanche. « Mais, ajouta-t-il, il me reste un obstacle à vaincre : quand même je serais assez heureux pour obtenir le consentement de Blanche, je me ferais toujours une peine de me remarier, par la crainte de priver ma fille d’une couronne. — Ce sentiment est beau, dit la fée ; et il se trouve peu de pères capables de sacrifier leurs inclinations au bonheur de leurs enfants ; mais que cela ne vous arrête point. Le roi de Mogolan, qui était de mes amis, vient de mourir sans enfants, et, par mon conseil, il a disposé de sa couronne en faveur de l’Éveillé. Il n’est pas né prince, mais il mérite de le devenir ; il aime la princesse Élise ; elle est digne d’être la récompense de la fidélité de l’Éveillé, et, si son père y consent, je suis sûre qu’elle lui obéira sans répugnance. » Élise rougit à ce discours ; il est vrai qu’elle avait trouvé l’Éveillé fort aimable, et qu’elle avait écouté avec plaisir ce qu’on lui avait raconté de sa fidélité pour son maître. « Madame, dit Violent, nous avons pris l’habitude de nous parler à cœur ouvert. J’estime l’Éveillé, et, si l’usage