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— Venez, que je vous embrasse, lui dit la fée ; j’ai voulu éprouver votre vertu : si vous aviez accepté mes offres, je vous aurais abandonné ; mais puisque vous avez eu le courage d’y résister, je serai toujours de vos amies ; et je vais vous en donner une preuve. Prenez la forme d’un vieillard, et, sûr de ne point être reconnu sous cette figure, parcourez votre royaume, et instruisez-vous par vous-même de toutes les injustices qu’on commet contre vos pauvres sujets, afin de les réparer quand vous serez roi. L’Éveillé, qui restera à la cour, vous rendra compte de tout ce qui arrivera pendant votre absence. »

Le prince obéit à la fée, et vit des choses qui le tirent frémir. On vendait la justice ; les gouverneurs pillaient le peuple, les grands maltraitaient les petits, et tout cela se faisait au nom du roi. Au bout de deux ans, l’Éveillé lui écrivit que son père était mort, et que la reine avait voulu faire couronner son frère ; mais que les quatre seigneurs qui étaient honnêtes gens s’y étaient opposés, parce qu’il les avait avertis que Tity était vivant ; alors la reine s’était sauvée avec son fils dans une province qu’elle avait fait révolter. Tity, qui avait repris sa figure ordinaire, alla dans sa capitale, et fut reconnu roi. Après quoi il écrivit une lettre fort respectueuse à la reine pour la prier de ne point causer de trouble : il lui offrit aussi une bonne pension pour elle et pour son frère Mirtil. La reine, qui avait une grosse armée, lui écrivit qu’elle voulait la couronne, et qu’elle viendrait la lui arracher de dessus la tête. Cette lettre ne fut pas capable de porter Tity à manquer au respect qu’il devait à sa mère ; mais cette méchante femme, ayant appris que le roi Violent venait au secours de son ami Tity avec un grand nombre de soldats,