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comme un autre ; qu’ayant ses biens et revenus, il ne devait pas prendre ceux d’autrui pour dépenser davantage ; que par conséquent, lorsqu’on n’avait le moyen que d’avoir une maison, il ne fallait pas avoir un château, et quiconque n’avait qu’un écu ne devait dépenser qu’un écu.

Toutes ces raisons paraissaient fort bonnes au roi ; mais dans le même instant le procureur fiscal et le receveur lui crièrent qu’il était le maître ; que ce n’était pas la peine d’avoir des sujets, si on ne leur faisait pas acheter le soin qu’on se donnait de les gouverner ; qu’ils étaient faits pour payer, et les rois pour dépenser ; et qu’il n’y avait qu’une tête de sénéchal capable de penser autrement et de conseiller de même.

Le roi trouvait que ceux-ci raisonnaient fort juste et concluait à lever l’impôt. Cependant chacun prenait parti et donnait la décision. « On les fera bien payer, disaient les uns ; on ne payera pas, disaient les autres ; cela ne sera pas ainsi, disait Caboche, car je l’ai mis dans ma tête ; cela sera, disait le procureur fiscal, ou j’y perdrai mon latin. »

Enfin, c’était un si grand tintamarre qu’on ne s’entendait pas. Le roi, qui ne savait plus auquel entendre, ne savait plus quel parti prendre. Quand il était avec la reine, il lui disait quelquefois :

« Oh ! par mon sceptre, si cela continue, je planterai tout là, et alors sera le roi qui voudra ; car j’irai si loin, si loin, que je n’entendrai parler ni de royaume, ni de peuple, ni de maison.

— Ne vous impatientez pas, Sire, lui répondait tranquillement la reine ; j’ai déjà eu l’honneur de dire à Votre Majesté que tout vient à point à qui peut attendre.