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nait de causer à son amie, feignit de l’ignorer et voulut en être informée ; et la Fée des champs, charmée de satisfaire la curiosité de sa maîtresse, n’hésita pas à lui faire le récit des injustes motifs que Gangan avait eu de persécuter le roi Pétaud et la reine Gillette, et de ce que la pitié lui avait fait entreprendre pour traverser les desseins de cette perfide fée.

« Votre procédé est louable, lui dit la reine, et j’aime à voir en vous cette généreuse ardeur à protéger les malheureux ; mais je crains cependant que Gangan ne se venge encore des bontés que vous avez pour la bonne Gillette et pour ses enfants ; elle est méchante, et j’en reçois souvent des plaintes ; mais soyez sûre que si elle abuse davantage contre vous de son pouvoir, je l’en punirai d’une façon terrible et éclatante. Je ne puis vous en dire davantage ; voici l’heure du conseil ; à mon retour nous conférerons ensemble sur les moyens de prévenir les mauvais desseins de votre ennemie. »

Dès que la Fée des champs fut seule, elle ne put résister à l’envie de consulter les livres de la souveraine. Tous les mystères de la féerie y sont dévoilés, et l’on y découvre, jour par jour, tout ce qui se passe dans l’univers ; mais il n’appartient qu’à la reine de suspendre ou d’empêcher les événements ; elle a sur les fées la même puissance que celles-ci ont sur les hommes. La protectrice de Cadichon eut à peine ouvert ces livres, qu’elle y lut distinctement que, par le pouvoir de grande féerie, la perfide Gangan enlevait dans le même instant le jeune prince, et qu’elle le transportait dans l’ile inaccessible où elle retenait sa nièce depuis le moment de sa naissance. À cette vue, elle trembla d’abord pour la vie de son protégé, et ensuite pour son cœur et pour