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de lui ôter la couronne, et ce parti allait remporter, lorsque Gangan, qui n’avait voulu que la dégoûter du mariage, la désenchanta et lui rendit sa première forme.

À la vue de sa figure naturelle, elle pensa se poignarder de désespoir ; elle s’était trouvée charmante sous celle qu’elle venait de quitter, et elle ne voyait à la place qu’un visage de plus de soixante ans et une laideur qu’elle avait détestée. Elle ne croyait pas avoir été ridicule dans l’état d’où elle sortait et elle n’avait rien perdu de son amour ; aussi la perte de sa jeunesse et celle du prince des Îles-Vertes la jetèrent dans une langueur qui fit craindre pour sa vie, et lui inspirèrent, en même temps, une haine implacable contre la fée Gangan. À l’égard de ses sujets, ils en eurent pitié, et regardaient cet événement comme une juste punition du sacrifice qu’elle avait fait, de la tendresse maternelle et de la reconnaissance, à son ambition et à ses désirs insensés. C’était à peu près dans ce temps-là que la Fée des champs avait enlevé les enfants de Pétaud et de Gillette.

Cette généreuse fée était la protectrice de ceux qui se trouvaient obligés de passer leur vie à la campagne ; elle s’employait à prévenir ou à diminuer les disgrâces qui pouvaient leur arriver, et était d’autant plus en état de les protéger, qu’elle possédait l’amitié et la faveur de la reine des fées.

L’île Bambine, dont cette souveraine lui avait donné le gouvernement, était le lieu où elle avait transporté les quatre garçons et les trois filles du roi Pétaud et de la reine Gillette.

Cette île n’était habitée que par des enfants, sous la protection des fées, par des mies, et par ceux que l’on destinait à les servir. Il y régnait un printemps continuel ; les