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fut pas frappée, car, de toutes les idées qu’elle avait avant son changement, il ne lui était resté que celles qui avaient rapport au roi des Îles-Vertes, et à l’amour qu’elle ressentait pour lui. Elle fut donc aussi contente d’elle que ses courtisans en furent étonnés ; on ne savait même ce que l’on devait faire, et quel parti on avait à prendre, lorsque le premier ministre, dont tous les grands dépendaient, tira d’embarras et décida que, bien loin de contrarier la reine, il fallait, au contraire, flatter ses goûts et ses fantaisies. Il commença par ordonner à sa femme et à ses filles de se conformer à ses volontés. Bientôt, pour plaire au ministre, on suivit leur exemple, et en peu de temps toute la cour s’habilla comme la reine, et l’imita en tout. On ne parlait plus, même les hommes, que d’une façon enfantine : ou ne jouait plus qu’à la madame, à rendez-moi ma fille, aux osselets, à la bataille. Les cuisiniers n’étaient employés qu’à faire des darioles, des tartelettes et des petits-choux. On ne s’occupait qu’à habiller et déshabiller des poupées, et, dans tous les jeux et les collations, il n’était question que du roi des Îles-Vertes ; la reine en parlait cent fois le jour, et l’appelait toujours « mon petit mari. » Elle le demandait sans cesse et se paya, pendant quelque temps, des raisons dont on se servit pour la flatter ; mais enfin la gaieté fit place à l’humeur ; elle éprouva tous les caprices d’un enfant qui n’a pas ce qu’il veut et dont on n’ose rompre les volontés.

Après s’être amusé quelque temps d’un événement si singulier (car l’oisiveté de la cour fait qu’on s’y amuse de tout), on s’impatienta des puérilités de ce grand enfant ; on se lassa de la contrainte et des complaisances qu’il fallait avoir ; on s’éloigna insensiblement, et elle était sur le point d’être