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héritière de sa couronne ; aussi il y avait tout à craindre d’exciter sa colère par une pareille proposition. La vieille reine sentit tout cela, hésita, combattit, et regarda tant et tant le portrait du beau prince des Îles-Vertes, que l’amour l’emporta enfin sur les égards qu’elle devait à la fée : elle lui fit part de ses sentiments et la conjura, dans les termes les plus pressants, de lui prêter les secours de son art, et de ne lui pas refuser cette marque essentielle de son amitié ; elle alla même jusqu’à lui faire voir le portrait du jeune prince, et à exiger d’elle l’approbation de son dessein.

Gangan ne put cacher sa surprise, mais elle dissimula son ressentiment ; elle prévit de quelle conséquence il était de se déclarer ouvertement contre ce mariage, parce que le roi des Îles-Vertes, qui avait presque ruiné ses États pour subvenir à ses dépenses, serait capable de le conclure par intérêt, et de le soutenir à l’aide d’un puissant génie, protecteur de son royaume : aussi, feignant de donner les mains à cette affaire, elle promit à la reine de travailler au plus tôt à son rajeunissement ; mais elle se promit en même temps de la tromper et de la mettre hors d’état d’exécuter ses volontés.

Le jour que cette fée avait marqué pour l’exécution de ses promesses, elle parut vêtue d’une longue robe de satin couleur de chair et argent ; sa coiffure n’était composée que de fleurs artificielles et pompons de clinquant ; un petit nain amarante lui portait sa robe, et avait sous le bras gauche une boîte noire de laque de la Chine.

La reine la reçut avec les plus grandes marques de respect et de reconnaissance, et la supplia, après les premiers compliments, de ne pas différer son bonheur.

La fée y consentit, fit retirer tout le monde, et ordonna