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tranquillité fit place à son impatience, et, courant après la souris, dans le dessein de lui enlever sa proie, elle vit disparaître l’une et l’autre, et ne trouva à la place qu’une petite vieille ratatinée et haute d’un pied. Après plusieurs grimaces et quelques paroles peu intelligibles, cette petite figure mit la pelle et les pincettes en croix, fit dessus, avec le balai, trois cercles et trois triangles, poussa sept petits cris aigus, et finit par jeter le balai par-dessus sa tête.

La reine, malgré sa frayeur, ne laissa pas de remarquer que la vieille, en traçant les cercles et les triangles, avait prononcé distinctement ces trois mots : confiance, discrétion, bonheur. Elle cherchait à en pénétrer le sens, quand un bruit qu’elle entendit dans la chambre voisine la tira de sa rêverie : comme elle crut reconnaître la voix de Cadichon, elle y courut aussitôt ; mais elle eut à peine ouvert la porte, qu’elle aperçut trois gros hannetons qui tenaient chacun dans leurs pattes une de ses filles et trois grandes demoiselles qui portaient sur leur dos ses trois fils.

Tout cela, en s’envolant promptement par la fenêtre, chantait en chœur et fort mélodieusement : Hanneton, vole, vole, vole. Ce qui toucha le plus Gillette fut de voir au milieu d’eux Cadichon entre les pattes de la souris bleue ; ils étaient l’un et l’autre sur un petit char fait d’une grosse coquille de limaçon couleur de rose, et traîné par deux chardonnerets parfaitement bien panachés. La souris, qui lui parut plus grande que ne sont ordinairement les animaux de son espèce, avait une belle robe de perse, un mantelet de velours noir, une coiffe nouée sous le menton et deux petites cornes bleues au-dessus du front.

Le char, les hannetons et les demoiselles partirent avec