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longtemps. Il avait les plus beaux yeux qu’on eût jamais vus, le peau fort blanche et les sourcils ainsi que les cheveux d’un noir de jais ; comme il était né coiffé, le roi et la reine sentirent pour lui plus d’inclination que pour les autres, et cette princesse voulut absolument nourrir elle-même son petit Cadichon (car c’est ainsi qu’on le nomma).

Au bout de dix-huit mois, les trois princes devinrent si vifs et si sémillants, que les nourrices n’en pouvaient venir à bout. Quand elles s’en plaignaient au roi, il leur répondait :

« Laissez-les faire, lorsqu’ils auront mon âge, ils ne seront plus si vifs ; j’ai été tout de même, moi qui vous parle ; et cela viendra. »

Les trois princesses, au contraire, étaient douces, mais si sombres et si tranquilles, qu’elles restaient dans la situation où on les mettait, ce qui faisait que le roi préférait ses garçons à ses filles, et que la reine aimait mieux ses filles que ses garçons ; excepté Cadichon, qui, n’ayant aucun des défauts de ses frères et sœurs, était le plus joli enfant du monde : il aurait été bientôt gâté, si une fée bienfaisante ne l’eût, à l’insu de Gangan et même de Gillette, doué, au moment de sa naissance, d’un caractère égal et invariable.

Lorsqu’il fut question de sevrer les enfants de Leurs Majestés, on assembla un conseil extraordinaire composé du sénéchal, du procureur fiscal, du receveur, et des mies qui y furent appelées. Après bien des contestations, on y résolut, de l’avis de Caboche, de faire usage de lait de vache pour les trois garçons, et de lait de chèvre pour les trois filles : cet avis parut très propre à corriger d’une façon simple la vivacité des princes, et la lenteur des princesses ; mais quand