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laisses-moi faire, et tout ira bien : il faut que chacun se mêle de son métier, dit M.  de Pibrac.

— Mais, répondait le roi, que ferai-je donc, moi ?

— Ce que vous voudrez, répliquait Caboche ; vous gouvernerez votre femme et votre potager. Voilà tout ce qu’il vous faut.

— Je crois, en effet, que tu as raison, disait le roi ; ainsi fais ce que tu voudras. »

Cependant, pour ne rien perdre du coté de la réputation, il se parait, les jours de fête, d’un manteau royal de toile rouge, imprimée de fleurs d’or, d’une toque de pareille étoffe et d’un sceptre de bois doré qu’il avait acheté d’un vieux comédien de campagne qui avait quitté la profession.

Après son conseil, il se faisait apporter l’almanach de Liège et celui de Milan, qu’on lui envoyait de Troyes tous les ans dès le mois de juillet, et qu’il faisait relier en beau papier marbré et dorer sur tranche. Dans l’un, il apprenait les temps propres à semer, planter, tailler, greffer, saigner et purger ; et il y avait tant de confiance, qu’il se faisait souvent médicamenter, lui et la reine, sans en avoir besoin. Dans l’autre, il étudiait les prédictions politiques dont il était d’autant plus émerveillé qu’il n’y entendait rien. Au bout de quelques années, tous ces almanachs lui composèrent une petite bibliothèque qu’il estimait autant que si elle eut été bonne ; et il n’y avait même que le sénéchal et lui qui en eûssent la clé.

L’après-midi, il s’occupait, dans son petit potager royal, à pratiquer ce que son almanach lui avait enseigné le matin. Le soir, il envoyait chercher Caboche pour jouer jusqu’à l’heure du souper une briscambille ou un piquet au