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Madame Tu-tu entra dans la bibliothèque avec la bonne femme. Elle lut presque toute la nuit ; et ayant pris enfin un grand livre, qu’elle avait souvent négligé, quoiqu’il fût couvert de lames d’or, elle se plongea tout à coup dans une tristesse excessive. Après bien du temps, et sur la petite pointe du jour, la bonne femme, voyant quelques larmes qui tombaient sur les feuillets de son livre, osa prendre la liberté de lui demander la cause de sa douleur.

« Je m’afflige, lui dit-elle pour le destin irrévocable qui vient de s’offrir à ma connaissance. J’en frémis, et je tremble de vous le dire.

— Sont-ils morts ? s’écria la bonne femme.

— Non, répondit madame Tu-tu ; mais rien ne les peut sauver, si vous ou moi ne nous allons présenter pour assouvir la vengeance du roi. Je vous avoue la vérité, Madame, poursuivit la fée, je ne me sens pas assez d’amitié pour eux ni assez de courage pour aller ainsi m’exposer à sa fureur, et je crois que peu de personnes seraient capables de le faire.

— Pardonnez-moi, Madame, répliqua la bonne femme avec une grande fermeté, j’irai trouver le roi ; rien ne m’est difficile pour sauver mes enfants ; je lui donnerai de bon cœur tout le sang que j’ai dans les veines. »

Madame Tu-tu ne pouvait assez admirer une si grande résolution ; elle lui promit de l’assister de tout ce qui serait en son pouvoir, mais qu’elle le croyait borné en cette rencontre par la faute qu’ils avaient faite. La bonne femme prit congé d’elle, et ne voulut point dire son dessein à Mirtis ni au prince, de peur de s’attendrir et de les affliger.

Elle partit, la perdrix vola toujours à côté d’elle ; et, ayant passé l’arbre de fer, la perdrix arracha avec son bec