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heur, vous leur avez donné de trop bons principes ; on peut être roi et honnête homme. Vous savez qu’il en est un dans l’univers, qui est le modèle des parfaits monarques ; ainsi calmez votre esprit : je vais être avec vous autant qu’il me sera possible ; j’espère que vous serez sans ennuis. »

La bonne femme la crut, et au bout de quelque temps elle sentit une grande satisfaction, Les jeunes bergers se trouvaient aussi si contents, qu’ils ne désiraient que la continuation d’une fortune si agréable. Leurs plaisirs, quoique tranquilles, ne laissaient pas d’être vifs ; ils se voyaient tous les jours, et les jours leur semblaient encore trop courts.

Le mauvais roi apprit qu’ils étaient chez madame Tu-tu ; mais tout son pouvoir ne les en pouvait pas ôter. Il savait toutes les dispositions de ses charmes ; il vit bien qu’il ne les saurait avoir que par ruse ; il n’avait pu habiter dans la maison des roses par les malices continuelles que madame Tu-tu lui faisait : il l’en haïssait plus, aussi bien que la bonne femme, et cette haine même retombait jusque sur son fils.

Il employait toutes sortes de stratagèmes pour avoir en sa puissance quelqu’un de ces quatre jeunes bergers, mais son pouvoir et ses artifices ne s’étendaient pas sur les terres de madame Tu-tu.

Un jour malheureux (il en est de tels que l’on ne peut éviter), ces aimables bergers avaient porté leurs pas du côté du chêne fatal : la belle Lirette aperçut sur un arbre, à vingt pas de là, un oiseau d’un si rare plumage qu’elle eut tiré plus tôt sa flèche qu’elle n’y eut pensé, et, voyant l’oiseau mort, elle courut pour le prendre. Tout cela se fit promptement et sans réflexion, de sorte que la pauvre Lirette se livra à sa