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de faire enlever le corps et de le faire incessamment brûler, s’il voulait avoir quelque raison de Tarare. Les conseils de cette femme avaient été suivis comme des oracles depuis qu’elle gouvernait la sénéchale ; on n’eut garde de rejeter celui-là.

Ce fut en vain que les cris et toute la résistance de Tarare s’opposèrent à cette séparation. On l’arracha d’auprès de ce qu’il aimait encore plus que sa vie ; on éleva dans la cour du palais un bûcher où l’on étendit Fleur d’Épine, tandis qu’on entraînait de force le désespéré Tarare.

Après quelques cérémonies lugubres, le calife, voulant honorer une personne pour qui son gendre prétendu s’était intéressé, fit distribuer des flambeaux composés de gommes précieuses, premièrement à sa fille et à son conseil, ensuite aux officiers de sa couronne et à ses courtisans : ensuite, levant un moment celui qu’il tenait par-dessus sa tête :

« Plût aux dieux, dit-il, que mon fils Tarare fût témoin de la manière honorable dont je vais brûler le corps de celle qu’il regrette tant ! Je m’assure que cela lui ferait plaisir. »

À ces mots, il allait mettre le feu aux quatre coins du bûcher, quand tout à coup on entendit retentir l’air d’un bruit harmonieux ; et, quelques moments après, la redoutable Serène parut sur la jument Sonnante.

Sa présence causa dans l’assemblée des mouvements fort différents : elle suspendit l’empressement du calife, elle frappa ses courtisans de respect pour une personne dont l’air avait quelque chose d’auguste ; Luisante en poussait des cris de joie, car son perroquet était sur le poing de la magicienne : mais la sénéchale en fut si troublée, qu’on l’eût