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autre secours que celui de son courage et de son industrie.

Tant qu’il fut sur les terres de Cachemire, ce ne furent que plaisirs : les fleurs naissaient sous ses pas ; les pêches et les figues lui tombaient dans la bouche dès qu’il levait la tête ; les melons les plus rares s’offraient à lui de tous côtés ; un printemps continuel rendait l’air doux et le ciel serein. Avait-il besoin de repos, un vaste oranger lui présentait, le long d’un coulant ruisseau, son ombre fraîche et délicieuse, tandis que les oiseaux l’endormaient par les airs du monde les plus tendres ; car il n’y avait pas un rossignol dans tout le royaume qui ne sût la musique, ni une fauvette qui ne chantât à livre ouvert. Mais dès qu’il eut passé les montagnes qui enferment de tous côtés ce charmant pays, il ne trouva que des déserts ou des bois pleins de bêtes si sauvages, que les tigres et les léopards ne sont que des moutons auprès d’elles.

Il fallait cependant traverser ces forêts pour arriver à la demeure de Dentue.

On eût dit que ces maudites bêtes savaient son dessein ; car, au lieu de prendre la peine de venir à lui, elles ne firent que s’étendre à droite et à gauche : trois hydres, dix rhinocéros, et quelques demi-douzaines de griffons se mirent sur son passage.

Il savait assez bien la guerre : ainsi, après avoir examiné leur contenance, il jugea de leur dessein ; et, comme la partie n’était pas égale, il eut recours au stratagème.

Il attendit que la nuit fût venue, faisant bon guet autour de son camp ; et, environ vers la seconde veille, ayant fait un fagot des branches les plus sèches qu’il put trouver, il y mit le feu avec un fusil, le mit au bout d’une longue per-