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ce qui convenait à mon âge et à ma naissance ; je ne leur donnais pas beaucoup de peine, car il n’y avait guère de choses que je ne comprisse avec une extrême facilité ; ma douceur leur était fort agréable, et, comme je n’avais jamais rien vu qu’elles, je serais demeurée tranquille dans cette situation le reste de ma vie.

« Elles venaient toujours me voir, montées sur le furieux dragon dont j’ai déjà parlé ; elles ne m’entretenaient jamais ni du roi ni de la reine ; elles me nommaient leur fille, et je croyais l’être. Personne au monde ne restait avec moi dans la tour, qu’un perroquet et un petit chien qu’elles m’avaient donnés pour me divertir, car ils étaient doués de raison et parlaient à merveille.

« Un des côtés de la tour était bâti sur un chemin creux, plein d’ornières et d’arbres qui l’embarrassaient ; de sorte que je n’y avais aperçu personne depuis qu’on m’avait enfermée. Mais un jour, comme j’étais à la fenêtre, causant avec mon perroquet et mon chien, j’entendis quelque bruit. Je regardai de tous côtés, et j’aperçus un jeune chevalier qui s’était arrêté pour écouter notre conversation ; je n’en avais jamais vu qu’en peinture. Je ne fus pas fâchée qu’une rencontre inespérée me fournît cette occasion ; de sorte que, ne me défiant point du danger qui est attaché à la satisfaction de voir un objet aimable, je m’avançai pour le regarder, et plus je le regardais, plus j’y prenais de plaisir. Il me fit une profonde révérence, il attacha ses yeux sur moi, et me parut très en peine de quelle manière il pourrait m’entretenir : car ma fenêtre était fort haute, il craignait d’être entendu, et il savait bien que j’étais dans le château des fées.

« La nuit vint presque tout d’un coup, ou, pour parler