Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les afin que l’on pût passer par-dessus les murs du jardin, et l’on en serait venu à bout, sans que ces murs se haussaient à vue d’œil, bien que personne n’y travaillât ; l’on attachait des échelles les unes aux autres, elles rompaient sous le poids de ceux qu’on y faisait monter, et ils s’estropiaient ou se tuaient.

« La reine se désespérait. Elle voyait de grands arbres chargés de fruits qu’elle croyait délicieux, elle en voulait manger ou mourir ; de sorte qu’elle fit tendre des tentes fort riches devant le château, et elle y resta six semaines avec toute sa cour. Elle ne dormait ni ne mangeait, elle soupirait sans cesse, elle ne parlait que des fruits du jardin inaccessible ; enfin elle tomba dangereusement malade, sans que qui que ce soit pût apporter le moindre remède à son mal, car les inexorables fées n’avaient pas même paru depuis qu’elle s’était établie proche de leur château. Tous ses officiers s’affligeaient extraordinairement. L’on n’entendait que des pleurs et des soupirs, pendant que la reine, mourante, demandait des fruits à ceux qui la servaient ; mais elle n’en voulait point d’autres que de ceux qu’on lui refusait.

« Une nuit qu’elle s’était un peu assoupie, elle vit en se réveillant une petite vieille, laide et décrépite, assise dans un fauteuil au chevet de son lit. Elle était surprise que ses femmes eussent laissé approcher si près d’elle une inconnue, lorsqu’elle lui dit : « Nous trouvons ta Majesté bien importune, de vouloir avec tant d’opiniâtreté manger de nos fruits ; mais, puisqu’il y va de ta précieuse vie, mes sœurs et moi consentons à t’en donner tant que tu pourras en emporter et tant que tu resteras ici, pourvu que tu nous fasses un don. — Ah ! ma bonne mère, s’é-