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ce fut bien autre chose lorsqu’il vit entrer un nombre extraordinaire de dames et de seigneurs qui, tenant tous leur peau de chatte ou de chat jetée sur leurs épaules, vinrent se prosterner aux pieds de la reine et lui témoigner leur joie de la revoir dans son état naturel. Elle les reçut avec des témoignages de bonté qui marquaient assez le caractère de son cœur. Et, après avoir tenu son cercle quelques moments, elle ordonna qu’on la laissât seule avec le prince, et elle lui parla ainsi :

« Ne pensez pas, seigneur, que j’aie toujours été chatte, ni que ma naissance soit obscure parmi les hommes. Mon père était roi de six royaumes. Il aimait tendrement ma mère, et la laissait dans une entière liberté de faire tout ce qu’elle voulait. Son inclination dominante était de voyager ; de sorte qu’étant grosse de moi, elle entreprit d’aller voir une certaine montagne dont elle avait entendu dire des choses surprenantes. Comme elle était en chemin, on lui dit qu’il y avait proche du lieu où elle passait un ancien château de fées, le plus beau du monde, tout au moins qu’on le croyait tel par une tradition qui en était restée : car, d’ailleurs, comme personne n’y entrait, on n’en pouvait juger ; mais qu’on savait très sûrement que ces fées avaient dans leur jardin les meilleurs fruits, les plus savoureux et délicats qui se fussent jamais mangés.

« Aussitôt la reine ma mère eut une envie si violente d’en manger, qu’elle y tourna ses pas. Elle arriva à la porte de ce superbe édifice, qui brillait d’or et d’azur de tous les côtés ; mais elle y frappa inutilement, qui que ce soit ne parut, il semblait que tout le monde y était mort ; son envie augmentant par les difficultés, elle envoya quérir des échel-